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Une Québécoise dans les dunes

C’est du 13 au 23 octobre 2016 que Nathalie Lafranchise a participé au Trophée Roses des Sables. Un rallye dans le désert du Sahara réservé exclusivement aux femmes, où les amitiés sont souvent mises à l’épreuve. C’est avec son amie Mercedes Glockseisen qu’elle s’est lancée dans cette aventure qui favorise le dépassement de soi.

Professeure au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), Nathalie a entrepris cette aventure pour son amie. Mercedes Glockseisen lui parlait de ce rallye depuis presque 10 ans. C’était son grand rêve, mais pour Nathalie ce n’était jamais le bon moment. Mercedes est revenue à la charge en 2015. Nathalie était maintenant bien établie autant dans sa vie personnelle que professionnelle. « J’ai dit oui sans trop savoir dans quoi je m’embarquais, dit la professeure en riant. Je me suis lancée pas mal la tête baissée dans ce projet-là. Pour l’aider à réaliser ce projet qui lui tenait à cœur. »

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Le Trophée Roses des Sables peut se faire en solitaire ou en équipe à bord d’un 4x4, d’un SSV (Side by Side vehicule), d’un quad ou d’une moto. Les coéquipières ont choisi le 4x4 pour leur parcours. Chaque jour, les équipes doivent suivre un road-book à l’aide d’une carte et d’une boussole. La vitesse n’est pas la notion qui permet de remporter la course. En fait, elles doivent suivre les étapes et être l’équipe à faire le moins de kilométrages.

 

Le pré-départ

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Avant de partir, elles peuvent suivre des formations pour mieux être outillées une fois dans le désert. Nathalie a suivi une formation pour l’orientation, bien qu’elle avait déjà certaines habiletés avec la boussole. Elle a aussi suivi la formation de conduite automobile puisqu’il faut connaître les particularités de la conduite dans les dunes. Sans oublier une formation de mécanique de base pour pouvoir changer une roue ou encore être capable de lever le capot et résoudre certains problèmes.

 

Participer à ce trophée représente aussi un coup monétaire. Selon les informations présentes sur le site web du Trophée Roses des Sables, chaque personne doit débourser 10 950 $ pour pouvoir faire l’aventure en 4x4. En comptant les frais entourant tout cela, Nathalie et Mercedes ont dû amasser 25 000 $.« L’organisation n’aide pas au financement. C’est à nous d’organiser des levées de fonds ou encore des activités pour financer le voyage. Dans notre cas, nous avons fait un tirage, vendu des billets et on a réussi à obtenir des commandites pour avoir des prix. On a aussi organisé une soirée de quilles, on a vendu des petits gâteaux et des biscuits, mais au final on a quand même dû débourser 5 000 $ chacune », explique Nathalie.

 

Montréal - France - Maroc

 

Avant même d’aller au Maroc, les deux femmes doivent se rendre en France pour louer leur véhicule et suivre une formation spécifique à celui-ci. Tout cela prend une semaine environ. Ensuite, elles doivent se rendre au Maroc par elles-mêmes. Déjà, les deux amies s’étaient entendues, Nathalie s’occuperait de l’orientation et Mercedes de la conduite. Le trajet entre la France et le Maroc demeure le moment le plus désagréable de l’expérience, selon Nathalie. Habile avec la boussole, elle l’était beaucoup moins avec les cartes routières françaises. « C’est vraiment là que j’ai vécu le plus de tensions avec mon amie. Je n’avais jamais eu à m’orienter en voiture en Europe alors j’étais stressée et mon amie me stressait encore plus parce qu’elle-même était stressée de ne pas savoir exactement où on s’en allait. Pour moi, si on se trompe de chemin ce n’est pas grave, on revient sur nos pas, mais pour elle, c’était la fin du monde », raconte Nathalie.

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La professeure conseille d’ailleurs aux équipes qui s’engagent dans le Trophée Roses des Sables de discuter au préalable des motivations de chacune. Selon elle, il faut savoir si la compétition compte vraiment ou si c’est seulement au niveau personnel. La compétition n’était pas un facteur important pour elle alors qu’il en était un pour son amie. « Si c’était à recommencer, je poserais vraiment des questions pour voir nos visions du rallye. Je l’aurais sans doute fait quand même, mais on se serait entendue sur plusieurs points avant », explique Nathalie. Le duo a tout de même terminé 26e sur un total de 109 équipes. 

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Une journée « ordinaire »

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Roses des Sables est une compétition et son horaire le prouve. Les participantes doivent se lever autour de 6h am. Elles vont déjeuner, un buffet offert dans le prix du voyage. Ensuite, elles se préparent, elles vérifient la mécanique de la voiture, si les pneus sont bien gonflés, etc. Selon le classement, les équipages ne partent pas à la même heure. Ceux qui ont le plus de points partent en premier. Chaque matin, les responsables de la compétition notent le kilométrage des véhicules. La veille, ils remettent le road-book qui va être utilisé le lendemain pour laisser le temps aux équipages de se faire une stratégie.

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« Nos indications sont parfois des symboles. Disons qu’on sait qu’il y a un arbre en particulier qu’il faut repérer dans 5 km et qu’il faut tourner dans un angle de 375 degrés avec la boussole après l’arbre. On roule les 5 km jusqu’à l’arbre en question, parfois il y a plusieurs arbres, c’est pour ça que le kilométrage est important. En principe, si tu fais ton 5 km dans la bonne direction, tu trouves assez vite le bon arbre. Une fois à l’arbre, je sors de la voiture pour regarder l’angle. Je fais signe à mon pilote de s’en venir et on continue. C’est long faire tout ça », m’explique-t-elle. C’est pourquoi une journée « normale » commence à 6h et termine autour de 19h. C’est entre 150 et 200 kilomètres parcourus par jour.

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De retour au bivouac [campement rudimentaire qui permet de passer la nuit dans la nature], elles doivent faire à nouveau l’inspection de leur véhicule. Elles peuvent relaxer en attendant le souper servi autour de 19h30. Après le repas, il y a toujours un retour sur la journée puisqu’une équipe de caméramans et d’animateurs se trouve sur place. Ils font un montage des meilleurs moments, qu’ils présentent en guise de récapitulatif chaque soir. Extinction des feux vers 23h.

 

Enfants du désert

 

L’un des plus beaux souvenirs de Nathalie est leur visite dans une école où elles allaient porter du matériel. Roses des Sables a aussi un objectif humanitaire et c’est cet aspect qui intéressait davantage la professeure. Les autres équipages, les enseignants, les intervenants de l’organisation Enfants du désert étaient tous présents pour ce moment. Chaque équipage était ensuite reçu à manger par une famille du village. « On rentrait dans leur maison. Bien entendu, il y avait la barrière du langage, mais on arrivait à communiquer non-verbalement, avec des sourires. La famille avait cuisiné un gros couscous et nous mangions tous dans le même plat. Elle avait aussi fait des pâtisseries marocaines pour le dessert. Après le repas, les femmes marocaines et leurs enfants avaient des costumes, des voiles et des robes, et ils s’amusaient à nous déguiser. Je me souviens, je me faisais faire un tatouage au henné et je pleurais parce que j’étais touchée par l’accueil qu’on nous avait fait », raconte-t-elle encore émue.

 

Malgré toutes les aventures qu’elle a vécues durant ce voyage, elle ne recommencerait pas. Déjà à cause de la somme à amasser, mais aussi parce qu’elle revient avec un regard critique. Elle se demande si l’organisation a discuté avec les habitants du désert avant d’instaurer le rallye. « Parfois, on passe sur un territoire avec nos 4x4 et il y a une maison avec rien du tout autour. Et notre route passe vraiment juste à côté de la maison. Est-ce que ça les dérange quand on passe sur leur terrain? », se demande-t-elle. Malgré l’aspect d’aide humanitaire de l’aventure, Nathalie repense aux enfants tellement minces qui accouraient vers son 4x4, des enfants qui étaient fascinés par autant de richesses. Elle espère vraiment qu’il y a une grande considération pour les populations qui vivent dans le désert.

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